Racontez-nous votre parcours des dernières années.
Le début de l’aventure : Montréal et Paris
Avec Raph, on s’est croisés vite fait à Montréal mais c’est à Paris que nos cœurs se sont retrouvés. Dans un petit café, quelques années après.
On se connaissait à peine quand nous sommes partis faire le tour de la Corse en voilier. On a tout de suite su que c’était le début d’une belle aventure! À ce moment, Anouk voulait revenir au Québec pour se rapprocher de sa famille. Mais après à peine 6 mois en sol canadien, la soif de découvertes réapparut.
Destination Mayotte et La Réunion
On a tout laissé derrière nous et nous sommes partis en 10 jours : destination Mayotte. On ne pouvait même pas situer l’île sur une carte, mais c’était loin, donc ça suffisait! Le plus grand lagon du monde, ça donne un peu envie quand même. Après quelques mois sur l’île, on s’est retrouvés au milieu d’une guerre civile et raciale et notre sécurité était en jeu. Nous sommes partis pour une île voisine : La Réunion.
Là-bas, on a lancé un petit resto de plage. À deux, on s’amuse, on invente, on se passionne pour la bouffe et les gens. L’équation est la bonne. Notre petit moussaillon Zaö est né sur l’île. À la suite d’un drame en montagne qui a coûté la vie à deux membres de notre famille très proche, on vit mal l’éloignement familial et on a besoin de se rapprocher… mais on ne veut pas rentrer au Québec.
Le sushi en Californie et une start-up en Guadeloupe
Nous sommes donc allés vivre en Californie pour y suivre une formation Sushi Chef, dans le but de pouvoir ajouter une autre corde à notre arc. Nous souhaitions ouvrir un petit commerce aux Antilles et travailler avec les produits locaux.
J’ai lancé un projet de « food truck » : Ma petite boîte à Sushis voit le jour en Guadeloupe et connaît un succès monstre. Une franchise vient d’ailleurs d’être lancée. Raph construit notre maison « container » de son côté, sur un joli terrain boisé acheté à Saint-Francois.
D’où vous est venue cette passion des voyages? Y aviez-vous été initiés jeunes?
Raph a été élevé dans une famille française plutôt classique et les vacances se passaient en France, dans des maisons familiales avec cousins, cousines, etc. Le voyage n’avait jamais été au centre de sa vie mais comme on dit : soit on imite, soit on évite. Étudiant, il décide de partir aux États-Unis et ne s’arrêtera jamais. L’Espagne, l’Afrique du Sud, l’Asie, le Brésil… la piqûre était réelle.
Contrairement à Raph, mes parents, tous deux Français, avait quitté le nid familial tôt pour venir s’installer au Québec. Le voyage a toujours été une priorité chez les Dewailly. Les années sabbatiques se sont passées aux Bermudes, en Polynésie, etc. Tous les ans, une nouvelle destination familiale était au menu. C’était donc dans mes gènes.
Quelle est votre vision de la famille?
Pour nous, la famille c’est d’abord notre petit cocon à tous les trois. On peut être n’importe où dans le monde, tant qu’on est ensemble, on est stable et on est bien.
Et nos familles mutuelles sont en orbite autour de nous, nous donnant l’amour et la force pour nous permettre un ancrage sentimental fort, alors du coup, par vraiment besoin d’ancrage physique. C’est un peu dur à expliquer, mais c’est notre stabilité à nous.
Quelles sont les opportunités et les défis que présentent le fait d’élever un enfant en bord de mer?
Un enfant de la mer, ça ne met jamais de chaussures, c’est zen, ça nage comme un poisson, c’est beau à voir. Ça n’écoute pas la télé, ça joue avec des bouts de bois, des coquillages et ça mange du sable.
Quand Zaö avait 9 mois, on est rentrés au Québec, en plein hiver. Il refusait de s’habiller, de mettre des chaussures, il arrachait tout ce qu’on lui mettait sur le dos. Comme il faisait -30 dehors, c’était catastrophique. On est sortis 2 fois en quinze jours. On s’est promis de ne plus y retourner l’hiver!
Y a-t-il des différences culturelles marquantes par rapport à la place de l’enfant ou ayant trait à la vie de famille qui vous ont sauté aux yeux en tant que parents lorsque vous étiez à La Réunion, en californie et en Guadeloupe versus au Québec et en France?
Le plus important quand on décide d’être une famille sans stabilité physique, c’est d’inculquer dès le début des valeurs de base à nos petits bouts de choux. Par exemple : le respect, la tolérance, la patience et l’écoute, c’est bien important! L’instinct parental est très important aussi. Personne ne sait mieux que nous ce qui est bon ou pas pour Zaö, pas un livre, pas une tante, pas un ami.
Les gens à La Réunion sont très familiaux. Par exemple, les femmes ont des enfants très très jeunes et ils sont souvent élevés par les grands-mères, les tantes, etc. Les enfants sont un peu ceux de tout le monde. C’est une espèce de grande tribu. Tout le monde a son mot à dire et a un rôle dans l’éducation des petits.
En Californie, tous les enfants ont des nounous! On allait au parc et on ne voyait presque jamais de parents, que des jeunes filles au pair. Tout est aseptisé. Tout est beau. Tout est propre. Mais tout est un peu faux aussi. Les enfants doivent aller au parc, mais n’ont pas le droit de jouer dans le sable. C’est une autre vision de la vie, contradictoire à ce qu’on a vécu en Afrique.
Et vous dans tout ça?
Nous, on pêche un peu à droite et à gauche et on fait de notre mieux! Il n’y a pas de parents ni d’enfants parfaits. Les petits sont des éponges, ils absorbent tout, mais ils sont aussi flexibles. C’est bien de les déstabiliser un peu. De leur faire goûter à tout, toucher à tout. De se coucher tard pour regarder les étoiles quelques fois.
Qu’aimeriez-vous léguer à votre fils Zaö?
Si on avait une chose à léguer à Zaö, ce serait probablement le respect des autres et de croire en la puissance de ses rêves. On se dit souvent qu’on a qu’une vie. Une seule. Après, c’est fini. Autant faire que ce qu’on aime, non?
Que diriez-vous aux gens qui ont peur ou qui ont des craintes de voyager en famille?
Le voyage en famille est la plus belle chose sur terre. Ça ouvre les esprits, les yeux, les oreilles. Ça fait grandir de l’intérieur. Vous vous rendrez vite compte aussi de tout le superflu. On n’a pas besoin de beaucoup de choses quand on voyage. Un sac à dos, un porte-bébé et peut-être deux ou trois trucs de premiers soins. « That’s it »! Et même si le premier saut est quelquefois un peu épeurant, après on comprend l’importance de lâcher prise et de faire confiance à la vie. Nous, on pense déjà à repartir, mais en voilier cette fois! À suivre…